Des sybodies neutralisent des variants du SARS-CoV-2
Des anticorps synthétiques neutralisent différents variants et empêchent la formation de résistances.
Depuis le début de la pandémie en 2019, plusieurs variants préoccupants du SRAS-CoV-2 (variants of concern - VOCs) ont prédominé. Du fait des mutations du virus, les médicaments et les vaccins utilisés jusqu’à présent ont en partie perdu leur efficacité. L’adaptation des thérapies médicamenteuses qui en a résulté a provoqué à son tour de nouvelles mutations. Dans une publication récemment parue, les chercheurs Philippe Plattet et Markus Seeger des universités de Berne et de Zurich décrivent une possibilité qui permettrait de stopper cette « course aux armements ». Ils ont développé un duo d’anticorps spéciaux qui reconnaissent deux épitopes différents (zone à la surface de l’antigène) sur le virus et sont ainsi susceptibles de réduire considérablement l’apparition de variants résistants.
Dans le cas du Covid-19, la protéine virale Spike constitue un tel antigène. Elle se lie au récepteur ACE-2 présent à la surface de nos cellules et permet ainsi au virus d’y pénétrer. Elle est donc fréquemment ciblée par les vaccins et médicaments destinés à lutter contre la maladie. Les observations montrent que c’est précisément cette protéine Spike qui mute rapidement et affiche une variabilité élevée d’un variant à l’autre, ce qui réduit l’efficacité des moyens thérapeutiques et peut même induire des mécanismes de résistance.
Les scientifiques ont mis au point une paire de sybodies, Sb#15 et Sb#68, qui sont capables de se lier à la protéine Spike au même moment sur des épitopes différents. Les sybodies sont des nanocorps synthétiques, c’est-à-dire des anticorps à domaine unique caractérisé par leur petite taille et leur stabilité. Les expériences montrent que Sb#15 et Sb#68 entrent avec succès en concurrence avec ACE2 lorsqu’il s’agit d’occuper des sites d’ancrage à la surface de la protéine Spike. Les deux sybodies sont par ailleurs parvenus à neutraliser des infections virales in vitro. Afin d’augmenter leurs performances, les deux sybodies ont ensuite été fusionnés au moyen d’une séquence de liaison. Baptisé GS4, le produit en résultant a non seulement montré une affinité accrue vis-à-vis des points d’ancrage de la protéine Spike, mais aussi un taux de neutralisation multiplié par 100 par rapport à chaque sybody considéré individuellement.
Il est par ailleurs intéressant de noter que des virus mutants capables d'éviter l'impact des anticorps synthétiques ont rapidement émergés lorsqu'ils se sont répliqués en présence de Sb#15 ou Sb#68, un phénomène qui n’a pas été observé en présence de GS4. Lors d’une étape ultérieure, GS4 s’est même vu doté d’un troisième domaine de liaison qui a donné naissance à une structure appelée Tripod-GS4r. Par rapport aux nanocorps qui la composent, celle-ci a permis de multiplier par 1000 l’activité de neutralisation observée à l’encontre des VOCs du SARS-CoV-2.
Les résultats de ces travaux ouvrent la voie à une nouvelle stratégie thérapeutique qui pourrait freiner l’apparition de futurs variants. Relativement simple et rapide, le développement de sybodies est aussi peu onéreux. Du fait de leur facilité d’utilisation, il serait possible de développer des médicaments inhalables ciblant les tissus du nez et des poumons que les malades pourraient s’autoadministrer. L’étude confirme par ailleurs que la stratégie consistant à neutraliser simultanément plusieurs épitopes viraux est très prometteuse. Les cocktails d’anticorps déjà commercialisés ont récemment démontré qu’ils pouvaient ralentir l’évolution du virus en nouveaux VOCs et endigué efficacement la fuite virale (viral escape).
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